Ti Manmaille  « enfant » en créole,  est une collaboration entre trois comédiens de nationalité belge, française (en partie des Antilles Françaises) et haïtienne, désireux d’échanger sur les pratiques théâtrales de leurs pays, leurs référents culturels et d’explorer une problématique propre à Haïti.

La création porte sur les enfants restaveks en Haïti. Restavek en créole pour « rester avec ». Avec son maître. Les enfants restaveks sont des esclaves. Ils sont généralement issus de familles pauvres, vivant dans l’arrière pays où l’Etat est à peine représenté et les gens livrés généralement à eux-même. L’enfant dont les parents ne peuvent subvenir aux besoins premiers de ces nouvelles bouches à nourrir, ni aux besoins d’instruction, est confié à une famille plus aisée de la ville. Un maigre apport financier est envisagé, ainsi que de vagues promesses de scolarisation… qui suffisent à organiser l’abandon de l’enfant.      

                         

L’enfant restavek n’est plus personne. Vulgaire domestique, il est soumis au bon vouloir de son maître et est tenu de respecter les règles imposées par celui-ci. Le restavek n’a pas le droit de regarder dans les yeux. Il ne parle que pour répondre aux questions, il ne se plaint jamais, il ne joue plus, ne rit plus,… c’est un processus de zombification.Le domestique juvénile est au service de toute la maisonnée et même parfois des voisins. Il ne participe pas seulement aux tâches ménagères mais à toutes les activités auxquelles les maîtres et les maîtresses veulent l’associer. Les droits des enfants restaveks sont extrêmement limités mais leurs devoirs sont énormes: il n’est pas rare qu’ils soient amenés à travailler de nombreuses heures par jour dans une soumission complète, acquise parfois par la violence corporelle. Selon certains, la domesticité représente la situation où la condition est la plus dégradante de l’existence humaine dans la réalité haïtienne. « L’un des problèmes majeurs de l’enfant en domesticité est qu’il est pauvre parmi les pauvres. (…) Le domestique, serviteur du pauvre, devient par conséquent le dernier à être servi dans la famille d’accueil qui, elle-même, n’a pas toujours les moyens de satisfaire ses besoins essentiels » (Rapport Unicef, 1996.

De 109.000 en 1982, le nombre est passé à 300.000 en 1998. Au recensement de 2002, une légère baisse est observée. Cependant les conditions de vie des enfants en domesticité empirent.Une évolution négative qui serait due à la mutation du phénomène. Autrefois, la famille biologique de l’enfant le plaçait chez une famille plus ou moins riche pour que l’enfant ait accès à l’éducation et à une vie plus ou moins décente. En général, même si la situation était loin d’être idéale, l’enfant avait un minimum. Aujourd’hui, ce sont des familles pauvres qui accueillent ces enfants. Des familles qui n’ont pas les moyens de payer les services d’une travailleuse domestique. Conséquence, ils prennent un enfant en domesticité.                                                  

ENJEU POLITIQUE DU PROJET            

Parler des enfants en domesticités en Haïti est une priorité parmi les multiples défis auxquels fait face, tous les jours, la population haïtienne ; elle l’était avant mais le demeure depuis le dévastateur séisme du 12 janvier. Nous croyons que la reconstruction tant souhaité ne se limite pas à un processus matériel consistant à rebâtir des logements, des routes, … mais se trouve également dans la recherche et la mise en place d’un nouvel idéal, une nouvelle façon de vivre, ce qui sous entend une autre manière de mener les relations humaines. Initialement, notre projet a pour objectif de parler du système ‘’Restavek’’ comme pratique. Nous voulons la présenter sous son jour cru et réel, à partir de ses origines sociales, historiques, économiques et politiques. Mais aujourd’hui, alors que les infrastructures sont détruites, nous nous inquiétons encore cependant des risques de pérennisation du phénomène des restaveks si rien n’est fait. Quel est le sort réservé aux enfants restaveks ? Cette pratique est-elle encore d’actualité? Quels sont les risques encourus par de nouveaux enfants orphelins, ou livrés à eux même, d’être repris par le système ?Une société sans restavek serait-t-elle possible ? C’est cette question qu’il nous semble judicieux de traiter et à laquelle nous souhaitons inciter à réfléchir.Ce spectacle est un instrument pouvant amener à prendre en compte la situation des enfants dans le processus global de reconstruction en Haïti..Après tous les excès de la presse quant à la façon de relater le séisme, nous voulons aussi créer notre propre mémoire des évènements. Transmettre une version vierge de toute précipitation, de tout sensationnalisme, une version née de l’observation et de la collecte des témoignages avec l’enfant restavek comme prisme pour parler de la situation actuelle dans son ensemble.Mener le projet ‘Ti Manmaille » compte tenu des circonstances, c’est également œuvrer aux côtés et en solidarité avec les artistes haïtiens qui doivent constituer la mémoire de cette catastrophe et ont un rôle important à jouer dans le processus de reconstruction. Nous voulons participer au maintien de l’émulation artistique en Haïti.                                                            

ENJEUX ARTISTIQUES                            

Entre autres…Apprivoiser la tradition orale du conte…Nous avons choisi cette forme pour son importance dans la culture créole et pour les possibilités qu’elle offre de pouvoir garder une interaction directe avec le public.Travailler sur la structure du conte, c’est présenter au public haïtien une forme familière et pouvoir assumer l’identité culturelle multiples des narrateurs.L’exploitation du conte, profondément ancrée, permet des emprunts aux pratiques artistiques haïtiennes tout en respectant la multiplicité des points de vue. Elle nous permet de traduire la causalité des événements, des circonstances, des incidents, des intérêts et des caractères qui jalonnent la vie des enfants en domesticité.C’est également l’idée de travailler avec des moyens réduits, à voix et à mains nues, en concentrant notre travail sur le pouvoir d’évocation, en brisant le quatrième mur, en nous adressant directement à notre auditoire.Nous voudrions exploiter les relations possibles et multiples que le conte développe avec les spectateurs.      

VOLET EDUCATIF                                    

Le volet educatif du projet éducatif destiné à la fois aux enfants et aux jeunes en Haïti est conçu à la fois pour les jeunes sur place mais également pour le public scolaire belge.sur place une série de stages de théâtre sont conçus pour les enfants de la fondation Maurice Sixto, fondation partenaire du projet http://www.fondationmauricesixto.org/ et qui s’occupe d’anciens enfants restaveksdes stages d’initiation à la caméra sont également en préparation en collaboration avec les jeunes de la FOKAL http://www.fokal.org/t. Sur base de capsules vidéos réalisées sur place et d’une longueur de 3 à 6 minutes, nous souhaiterions créer à l’usage des écoles de la communauté française une série d’ateliers qui permettraient aux plus jeunes de découvrir Haïti. Ces ateliers, lancés par les reportages, sont conçus en interaction avec ceux-ci. Ils traitent de différentes problématiques liées à l’histoire, la géographie et à la culture haïtienne et seraient adressés au public scolaire. Nous entendons créer des ateliers à la fois pour le primaire et le secondaire.Des sujets tel que les Antilles, le métissage, l’esclavage, le vaudou, ou encore le créole seraient explorés. Ce qui permet de faire découvrir Haiti et peut servir de point de départ aux cours d’histoire, de français ou encore de géographie.